60 Écriture et politique

L’écriture est une activité politique affirme-t-elle dans L’écriture comme un couteau :

Écrire est, selon moi, une activité politique, c’est-à-dire qui peut contribuer au dévoilement et au changement du monde ou au contraire conforter l’ordre social, moral, existant. Ce qui m’a toujours frappée, c’est la persistance, tant parmi les écrivains et les critiques que le public, de cette certitude : la littérature n’a rien à voir avec la politique, elle est activité purement esthétique, mettant en jeu l’imaginaire de l’écrivain, lequel – par quel miracle, quelle grâce ? – échapperait à toute détermination sociale alors que son voisin de palier serait classé dans la classe moyenne ou supérieure.

Cependant, elle se reprend aussitôt :

« Toujours » frappée, j’exagère, car j’ai partagé aussi cette croyance pendant mes années d’études littéraires et lorsque j’ai commencé d’écrire, à vingt ans, j’avais une vision solipsiste, antisociale, apolitique, de l’écriture. Il faut savoir qu’au début des années soixante, l’accent était mis sur l’aspect formel, la découverte de nouvelles techniques romanesques.