58 La méthode d’écriture : du journal intime au journal d’écriture
Dans L’écriture comme un couteau, Annie Ernaux écrit :
Dans ma pratique d’écriture, j’ai tendance à situer à part le journal. Tout d’abord parce qu’il a été mon premier mode d’écriture, sans visée littéraire particulière, simple confident et aide-à-vivre. J’ai commencé un journal intime quand j’avais seize ans, un soir de chagrin, à une époque où je ne prévoyais pas spécialement d’engager ma vie dans l’écriture. Si je me souviens de m’être appliquée à « bien écrire » au début, très vite la spontanéité l’a emporté : pas de ratures, pas de souci de forme ni d’astreinte à la régularité. De toute façon, j’écrivais pour moi-même, pour me libérer d’émotions secrètes, sans aucun désir de montrer mes cahiers à quiconque. Cette attitude de spontanéité, cette indifférence à un jugement esthétique, ce refus du regard d’autrui (mes cahiers ont toujours été bien planqués !), j’ai continué de les avoir dans la pratique de mon journal intime quand j’ai commencé à écrire des textes destinés à être publiés.
Et, deuxième niveau de l’écriture (qui s’apparente davantage à une sorte d’essai en cours d’élaboration) :
À côté des cahiers du journal intime, je tiens depuis 1982 un « journal d’écriture », fait des doutes, des problèmes que je rencontre en écrivant, rédigé de façon cursive, avec ellipses, abréviations.