50 Raphaëlle Rérolle remarque :
Vos livres, que vous définissez vous-même comme « auto-socio-biographiques », puisent largement dans vos souvenirs personnels pour dresser bien autre chose qu’un portrait personnel.
Réponse d’Annie Ernaux :
J’écris sur des choses qui me touchent depuis longtemps, des thèmes, des questions, des douleurs, que la psychanalyse appellerait « indépassables » – que ce soit la mort d’un père, d’une mère, un avortement, un sentiment de honte… Ces choses sont enfouies et j’essaie de les mettre au jour, mais d’une façon qui ne soit pas seulement personnelle. Il s’agit de sortir de moi-même, de regarder ces choses et de les objectiver. C’est un grand mot, « objectiver », mais cela veut dire mettre à distance ce qui est arrivé. […] J’écris toujours à partir de quelque chose de fortement ressenti.
Il s’agit donc d’une écriture personnelle, fondée sur des événements vrais et « fortement ressentis » qui va se fixer pour « éthique », en quelque sorte, de viser ce ressenti et lui seul dans l’écriture.
D’où des textes le plus souvent brefs, très denses, mais d’une densité toujours concrète.