66 Rapport au Nouveau Roman
Pour achever la boucle qui définit le mouvement de ce cours, un mot sur le rapport qu’Annie Ernaux se reconnaît avec le Nouveau Roman.
Question subsidiaire, ou importante [question de Frédéric-Yves Jeannet], puisque vous avez cité Les Gommes de Robbe-Grillet, ailleurs L’Emploi du temps de Butor : quel est votre rapport avec ce dernier « mouvement littéraire » important du XXe siècle, le Nouveau Roman ?
J’ai découvert le Nouveau Roman avant le Surréalisme, quand j’étais au pair en Angleterre et que je lisais la littérature contemporaine française en empruntant des bouquins à la bibliothèque de Finchley, au lieu de travailler mon anglais. Je n’ai pas cessé de m’y intéresser durant deux ans et lorsque je me mets à écrire un roman, en octobre 1962, c’est dans ce courant que je veux me situer très clairement. Cela signifie pour moi m’inscrire dans une recherche, la littérature comme recherche, éclatement de la fiction ancienne. Souvenir d’une discussion âpre avec mon amie M., sur une plage de la Costa Brava, l’été 1962, où je tiens à lui prouver que le roman de Mauriac qu’elle est en train de lire – Le Désert de l’amour – relève d’une tradition sans intérêt, et je lui oppose la structure de Mrs Dalloway de Virginia Woolf, précurseure du nouveau roman à mes yeux, et celle de La Modification. Il m’est resté de cette fréquentation, puis de la lecture de Claude Simon, Robbe-Grillet, Sarraute, Pinget, vers 1970-1971, la certitude – largement partagée, un cliché désormais – qu’on ne peut pas écrire après eux comme on l’aurait fait avant, et que l’écriture est recherche et recherche d’une forme, non reproduction. Donc pas non plus reproduction du Nouveau Roman…