61 La très significative transition du beau vers le réel

Le beau, qui déterminait la conception initiale qu’avait Ernaux de la littérature laisse place au « réel » :

Pour schématiser, la prise de conscience de la réalité du fonctionnement des classes sociales, de ma situation de transfuge, du rôle déréalisant de la culture, de la littérature en ce qui me concernait, a modifié complètement mon désir : je ne voulais plus faire quelque chose de beau d’abord, mais d’abord de réel, et l’écriture était ce travail de mise au jour de la réalité : celle du milieu populaire d’enfance, de l’acculturation qui est aussi déchirure d’avec le monde d’origine, de la sexualité féminine.

Dans le parcours de la vocation d’écrivain d’Annie Ernaux s’opère donc une transition progressive. Ce qui était d’abord orienté vers le beau, vers la recherche du beau, s’est par la suite fixé sur le réel. L’évolution de cette vocation dessine donc un chemin vers le réalisme.

Comme toujours, il faut bien sûr ajouter, « vers un certain type de réalisme ». Comme on a pu le voir tout au long de ce cours, les écrivains revendiquent pratiquement toujours une fidélité au réel. Seulement le « réel » prend, pour chacun d’entre eux, et en raison de la richesse des façons possibles de le concevoir, des sens différents.