51 Ce qui amène Ernaux à préciser (entretiens avec Rérolle) :

Il me fallait être dans la vérité et donc dans le « je » véridique. Vous parliez d’une écriture plate, je dirais factuelle, une écriture dans laquelle il n’y a ni commisération ni lyrisme, mais simplement la volonté de se tenir au plus près des choses, au plus près du réel. Par rapport à l’émotion, plus on est concis, plus les mots deviennent comme des choses, comme des pierres qu’on pose les unes à côté des autres : à ce moment-là, on ne lit plus seulement un livre, mais quelque chose de réel qui vous atteint dans votre propre vie.

La concision appartient pleinement à la modalité d’écriture qui est ici visée. L’écriture peut restituer plus ou moins fidèlement le réel. C’est la plus grande fidélité qui doit être prise comme objectif. Très peu de digressions, très peu de métaphores inventives ou ingénieuses. Ce qui a lieu tel que cela a été vécu. Et cela uniquement.

Ernaux, dans un passage (de L’écriture comme un couteau) compare, Les mémoires d’outre tombe à La vie d’Henri Brulard pour conclure que si Chateaubriand est un auteur « splendide », il ne lui « parle » pas comme le fait Stendhal, soucieux de capter l’instant vrai du passé.