42 Va et vient entre philosophie et littérature

On a donc ici un va et vient particulièrement fécond entre philosophie et littérature.

Et on peut se demander maintenant si le jugement de Calderon qui consiste à donner crédit au verdict de Beauvoir concernant Sarraute contre celui de Sartre ne doit pas être révisé.

Voici comment se termine la préface de Sartre :

Ces quelques remarques visent seulement à guider le lecteur dans ce livre difficile et excellent ; elles ne cherchent pas à en épuiser le contenu. Le meilleur de Nathalie Sarraute, c’est son style trébuchant, tâtonnant, si honnête, si plein de repentir, qui approche de l’objet avec des précautions pieuses, s’en écarte soudain par une sorte de pudeur ou par timidité devant la complexité des choses et qui, en fin de compte, nous livre brusquement le monstre tout baveux, mais presque sans y toucher, par la vertu magique d’une image. Est-ce de la psychologie ? Peut-être Nathalie Sarraute, grande admiratrice de Dostoïevski, voudrait-elle nous le faire croire. Pour moi je pense qu’en laissant deviner une authenticité insaisissable, en montrant ce va-et-vient incessant du particulier au général, en s’attachant à peindre le monde rassurant et désolé de l’inauthentique, elle a mis au point une technique qui permet d’atteindre, par-delà le psychologique, la réalité humaine, dans son existence même.

Doit-on préférer l’interprétation de Sartre, qui fait crédit à l’auteur d’avoir dépassé la psychologie en allant sur son terrain ou à celui de Beauvoir qui est, si on suit Calderon, d’avoir rompu le « pacte esthétique » esthétique de la modernité ?

Tout ceci conduit à poser la question que je poserai la prochaine fois : celle des rapports de Sartre et du Nouveau Roman, et plus particulièrement de Sartre et de Robbe-Grillet.