24 L’article Conversation et sous-conversation
Cet article est peut-être le plus significatif au point de vue de l’éclairage proposé aux analyses de Sarraute.
Il met en place une sorte de « concept » philosophique ; celui de sous-conversation.
Ce qui est en jeu dans les tropismes dont parlait Sarraute dans son premier livre est maintenant pensé sous l’étiquette générale de sous-conversation :
Derrière toute conversation entre deux ou plusieurs individus, se joue une sorte de conversation parallèle faite d’impressions, d’intuitions, d’interprétations, de possibilités entrevues de ce que l’autre pense ou pourrait penser, donc tout un jeu de miroirs qui accompagne la conversation la plus banale et que Sarraute nomme « sous-conversation ».
Or, la découverte de ce continent (le mot « découverte » est ici à prendre comme « explicitation d’un phénomène qui est familier à tout un chacun ») a elle-même une histoire qui se confond avec l’histoire de la littérature toute entière et qui, à ce titre, a ses héros.
Pour Sarraute, trois noms se dégagent de cette histoire. ILs peuvent être regardés comme les précurseurs du Nouveau Roman : Virginia Woolf, Marcel Proust et James Joyce :
Dans la préface à L’ère du soupçon, elle écrit :
Lorsque a paru l’essai Conversation et sous-conversation, Virginia Woolf était oubliée ou négligée, Proust et Joyce méconnus en tant que précurseurs ouvrant la voie au roman actuel. J’ai voulu montrer comment l’évolution du roman, depuis les bouleversements que ces auteurs lui avaient fait subir dans le premier quart de ce siècle, rendait nécessaire une révision du contenu et des formes du roman et notamment du dialogue.