36 La question de la psychologie

Sarraute fait une peinture de l’usage du mot « psychologie » qui est à prendre au second degré (la position énoncée est celle qu’elle entend critiquer) :

Le mot « psychologie » est un de ceux qu’aucun auteur aujourd’hui ne peut entendre prononcer à son sujet sans baisser les yeux et rougir. Quelque chose d’un peu ridicule, de désuet, de cérébral, de borné, pour ne pas dire de prétentieusement sot, s’y attache. Les gens intelligents, les esprits avancés à qui un auteur imprudent oserait avouer — mais qui l’ose ? — son goût secret pour les « endroits obscurs de la psychologie » ne manqueraient pas de lui dire avec un étonnement apitoyé : « Ah ! parce que vous croyez encore à tout cela ? »

Et, si d’aventure un auteur entend « faire de la psychologie », on lui rétorque :

Si quelque entêté continue, à ses risques et périls, à vouloir explorer à tâtons les « endroits obscurs », aussitôt on le renvoie à la Princesse de Clèves et à Adolphe. Qu’il relise donc un peu les classiques. Aurait-il la prétention de s’avancer plus loin qu’eux dans les pénombres de l’âme, et avec autant d’aisance et de grâce, et d’un pas aussi vif et léger !

Or, ce que Sarraute souhaite faire, c’est précisément de s’inscrire dans ce sillage mais avec les nouveaux moyens qu’exigent les phénomènes qu’il s’agit désormais de saisir. Il y a ainsi, chez Sarraute, l’idée que, de génération d’écrivain en génération d’écrivain, tous poursuivent un même but (décrire le réel). Mais, comme ce réel est, à chaque fois, plus complexe que ce que la génération précédente était parvenu à saisir, il faut, à chaque fois, tout en poursuivant le même objectif, critiquer les prédécesseurs.