27 Sur Kafka et Dostoïevski
Après avoir évoqué l’héritage ambigu de Camus, Sarraute évoque Kafka :
Pourtant rien n’est plus arbitraire que de l’opposer [Kafka], ainsi qu’on le fait souvent aujourd’hui, à celui qui a été sinon son maître, du moins son précurseur, comme il a été — qu’ils le sachent ou non — le précurseur de presque tous les écrivains européens de notre temps. Sur ces terres immenses dont Dostoïevski a ouvert l’accès, Kafka a tracé une voie, une seule voie étroite et longue, il a poussé dans une seule direction et il est allé jusqu’au bout.
La filiation qui est proposée commence avec Dostoïevski et se prolonge avec Proust :
Ses personnages [ceux de Dostoïevski] tendent déjà à devenir ce que les personnages de roman seront de plus en plus, non point tant des « types » humains en chair et en os, comme ceux que nous croyons apercevoir autour de nous et dont le dénombrement infini semblait être le but essentiel du romancier, que de simples supports, des porteurs d’états parfois encore inexplorés que nous retrouvons en nous-mêmes.