32 L’escamotage du réel
Plus nettement encore, toujours dans La force des choses, Beauvoir écrit :
C’est là le point commun entre Sarraute et Robbe-Grillet ; elle confond vérité et psychologie tandis qu’il refuse l’intériorité ; elle réduit l’extériorité à l’apparence, c’est-à-dire à un faux-semblant ; pour lui l’apparence est tout, défense de la dépasser : dans les deux cas le monde des entreprises, des luttes, du besoin, du travail, le monde réel se volatilise. Cet escamotage se retrouve à travers toutes les variétés du Nouveau Roman.
Donc, nouveau grief : l’escamotage du monde réel. Ce grief d’escamoter le réel, de développer un univers de « l’art pour l’art » (qui est, rappelons-le, une faute grave dans l’univers marxiste - auquel se rattache alors volontiers Beauvoir —, car cela correspond à une forme d’abstention politique qui équivaut à un consentement à l’ordre en vigueur), sans ambition de modification du réel, d’un art gratuit, est ce qui a retenu l’attention de Vincent Kaufmann (professeur de littérature et d’histoire des médias au MCM Institute de l’Université de St. Gall en Suisse), et qui justifie d’ailleurs le titre le titre du livre qu’il a publié en 2011 : La faute à Mallarmé, l’aventure de la théorie littéraire).