12 Critique d’Henriot

Robbe-Grillet, d’après Henriot, découpe la réalité en petits morceaux sans « vue d’ensemble » :

À le lire on voit bien qu’il y a surtout du métreur en lui. Il est exact, précis, tatillon. Il commence par planter son décor, par petits détails. Son esprit méticuleux répugnerait à l’idée d’attaquer son récit, ou plutôt sa description, par une grande phrase bien coupée.

Il s’intéresse à d’infimes détails qu’il note à chaque fois scrupuleusement :

L’attention de M. Robbe-Grillet porte avec méthode sur tout : la couleur du mur, la peinture écaillée de la balustrade, les stries et l’usure du parquet, et sur le mur encore la tache faite par le mille-pattes écrasé. Attention aussi, quand on boit aux verres où l’on a versé le cognac et l’eau et mis à flotter le glaçon. Attention aux faisceaux de lances des cristaux qui brillent à l’intérieur du glaçon Attention aux menues bulles d’air qui sont venues adhérer à la paroi Intérieure du verre.

Le livre est plat, explique Henriot. À force de s’attarder à décrire d’infimes détails, il n’acquiert aucun relief :

Je ne vois dans ce livre rien qui échauffe l’imagination, émeuve les sens ou le cœur, ou amuse l’esprit, rien qui apprenne quoi que ce soit d’inconnu sur l’homme, rien qui suggère ou provoque une façon nouvelle et profitable de penser. C’est compliqué exprès pour un résultat morne et plat, sans aucune suite possible en fait de renouvellement littéraire et de libération du roman. Je crois même que ce sont des livres comme celui-là qui finiront par tuer le roman en en dégoûtant le lecteur.

  • Retenons cette formule, on en trouvera de nombreux équivalents chez les critiques du Nouveau Roman par la suite : c’est compliqué exprès pour un résultat morne et plat.

  • Sophistication gratuite qui n’a pour résultat que l’ennui du lecteur.