2 Questions en ligne

  • N’y-a-t’il pas, dans ce chapitre d’Hamilton, une confrontation entre la voix off et la voix philosophique ? Par exemple, Hamilton est surpris car les textes autobiographiques et philosophiques ne font pas état de la tendresse ressentit pour un enfant. Il y a-t-il ici cette angoisse de philosophe de ne jamais être certain que ce qu’il écrit peut faire sens pour les autres ?

  • A la lecture de cette conclusion, ce qui nous frappe est une absence criante : celle de la philosophie. En effet, dans cet essai qui se proposait à termes de repenser la relation entre l’autobiographie et la philosophie, et même d’en établir une indistinction, on s’étonne de remarquer que le terme de philosophie est quasiment absent du texte. On s’étonne de ne pas lire de véritable conclusion explicite concernant la relation qu’entretiennent la philosophie et l’autobiographie. De quoi cette absence est-elle le signe ? Est-ce là l’aveu d’un échec de l’auteur par rapport à son projet de départ ? Ou faut-il lier cette absence au rêve d’Hamilton d’une philosophie qui n’affirmerait rien ? Autrement dit, si Hamilton n’expose pas en des termes clairs la relation de la philosophie et de l’autobiographie, quand bien même il s’agirait d’une indistinction, est-ce par choix de ne pas retomber dans un modèle qu’il rejette, celui d’une philosophie du concept, affirmative et impersonnelle ?

Il est vrai que Hamilton lui-même se dit « encore plus conscient ici [dans la conclusion] que dans le reste de ce livre de l’insuffisance de ce que je peux offrir en guise d’élucidation.

À cela, on pourrait objecter, cependant, que le texte de Hamilton fait bien référence à la philosophie, mais d’une façon en grande partie critique, comme on le voit dans ce passage :

Néanmoins, la philosophie morale n’a pas pris la mesure de ces faits concernant la motivation humaine et les a même généralement ignorés, ce qui a conduit Nietzsche à des paroxysmes de rage, signe de la profonde malhonnêteté de la philosophie et de ses stratégies trompeuses : toute philosophie morale, pensait-il, qui se soustrait à ces faits est en faillite. Il estimait que la philosophie ne voulait tout simplement pas voir ces vérités sur la condition humaine, ce qui était l’une des raisons pour lesquelles il se qualifiait lui-même d’immoraliste - alors qu’en vérité, comme je l’ai fait remarquer précédemment, l’esprit entier de sa vie et de sa pensée était celui de l’intégrité morale la plus profonde : il misait tout ce qu’il était sur l’honnêteté concernant ce que sont les êtres humains d’une manière que très peu de ces philosophes qui parlent de l’importance de la moralité font. En étant si rare parmi les philosophes de cette manière, il devient tout à fait exemplaire.

La philosophie aurait négligé (à quelques rares exception près) des phénomènes qui jouent pourtant un rôle constitutif pour l’humain. On sait que l’enfant privé d’un rapport de tendresse aux adultes qui l’entoure dépérit et même meurt si cette privation est trop intense :

S’il est une chose que les êtres humains craignent et détestent faire, c’est bien de montrer leur vulnérabilité. Nous passons la majeure partie de notre vie à nier cette réalité de notre condition. Ce déni fait-il partie de ce qui se passe dans le manque d’intérêt de la philosophie envers tendresse ?

Il ne fait pas de doute que la critique de Hamilton porte sur une très large part de la philosophie contemporaine et que si on la suit, on doit être conduit, par la place donnée à l’autobiographie, à repenser notre rapport à notre enfance.

N’oublions pas que le point de départ de Hamilton est le philosophe américain Stanley Cavell qui définissait la philosophie comme l’éducation des adultes.

Ce que Hamilton dit ne pas trouver dans la plupart des textes de philosophie, c’est le sens de l’épaisseur de la vie. Et il associe cette épaisseur à l’affect, à l’émotion.

Ce faisant, il souligne aussi les points aveugles de la tradition de pensée dont il relève : celle de la philosophie analytique qui, justement, s’est toujours efforcé de distinguer affect et concept. Cette distinction ne vaut pas dans la tradition phénoménologique dans laquelle elle est, au contraire, l’objet d’une critique aiguë.