3 Plan du cours

  • Reprise de quelques éléments du cours de la semaine dernière (complément sur la fin du cours et la notion d’un égoïsme utilisable pour autrui).

  • Je montrerai ensuite que les travaux d’Annie Ernaux ne sont pas isolés, mais qu’ils caractérisent tout un groupe de penseurs et je suivrai un peu plus en détail le travail de Didier Eribon, sociologue, mais auteur aussi d’un travail qu’on peut tout à fait qualifier d’autosociobiographique, pour reprendre l’expression d’Annie Ernaux, intitulé Retour à Reims (d’où il est originaire).

  • Je montrerai ensuite les liens de cette thématique du « retour à » avec le thème de la madeleine de Proust. L’interprétation, par Doubrovsky (et Lejeune), de cet épisode fondateur de La recherche mérite d’être reprise et approfondie.

  • L’analyse de la signification de l’épisode de la madeleine peut alors être reprise sur une base élargie qui inclut la dimension sociale que cherche à atteindre Ernaux, Eribon et d’autres.

  • Analyse du sentiment de honte est, on le verra, central cette approche : la honte y est d’ailleurs déclinée selon plusieurs dimensions (biographique, sexuelle, sociale, etc.).

  • Retour sur la question de l’empathie et de son sens premier comme perception de l’ambiance des lieux. Ce qui nous conduira à analyser l’épisode de la madeleine chez Proust dans ses relations à un concept de lieu (côté de Guermantes, côté de Méséglise aussi appelé côté de chez Swann).

  • À partir de là, il deviendra possible de reprendre l’examen d’une des notions qui est donnée comme une clé de l’effectivité de l’écriture : la performativité, le caractère performatif de l’écriture, car l’écriture permet au narrateur (Marcel), de faire renaître ces lieux avec tout ce qui y était associé dans la mémoire.

  • Et j’en viendrai ainsi aux domaines dans lesquels cette effectivité de la littérature est recherchée pour elle-même que je qualifierai d’écriture pragmatique : médecine narrative, justice narrative, ou plus largement thérapie narrative. On sort donc ici du champ propre de la littérature pour atteindre le champ de l’effectivité de l’écriture. Il s’agit de deux champs qui sont au voisinage l’un de l’autre. La ligne de séparation entre les deux est la publication.

  • Je serai conduit à retracer, dans ses grandes lignes, ce qu’on a pu nommer le « tournant narratif » qui a accompagné (ou a déclenché : il est difficile de dire ce qui est ici cause et ce qui est conséquence) cet intérêt pour la pragmatique de l’écriture qu’on pourrait aussi appeler « narrativité appliquée ».

  • C’est ce qui me conduira à rependre et à préciser une distinction importante en anglais, la distinction entre illness et disease qui est l’un des fondements de la médecine narrative.

  • Je vous montrerai que cette distinction est déjà implicitement présente chez des auteurs qui n’ont jamais entendu prononcer cette expression de « médecine narrative » et qui n’ont pas accès à cette distinction qui vaut pour l’anglais mais qu’on ne retrouve pas en français. C’est le cas d’Hervé Guibert qui a pratiqué une forme d’écriture de soi très proche de celle que décrit la médecine narrative et qui correspond, par ailleurs, à ce qui est identifié sous le nom d’autofiction.

  • Je suivrai cette œuvre comme une sorte d’annonce de ce qui s’est ensuite déployé sous le nom de « médecine narrative » mais aussi comme une de celle où s’affirme la cohérence de ce qui a été nommé autofiction par Doubrovsky.

  • Et, finalement, remontant à la place qu’occupe cette « pragmatique littéraire » dans l’ensemble de l’activité littéraire du vingtième et du vingt-et-unième sicle, j’en viendrai à reprendre les analyses de Bruno Blanckeman sur cette question et sur l’autofiction. Ces analyses aboutissent, on le verra, à définir le concept de « récits indécidables » (lié à la notion de récit transpersonnel). Blanckeman propose, d’autre part, on le verra, une périodisation de l’activité littéraire du début du vingtième siècle à nos jours.

  • Ce panorama nous permettra de dégager les fondements philosophiques de la médecine narrative.

  • Il permettra aussi de souligner les liens entre la médecine narrative et ce qu’on a appelé les « écrits bruts » (l’expression est de Michel Thévoz), écrits qui sont, le plus souvent, directement tirés de l’expérience d’individus. La notion d’écrits brut est directement calquée, on le verra, sur la notion d’art brut proposée par Jean Dubuffet en 1949, notion essentielle si on veut comprendre l’évolution de la réflexion sur l’art au vingtième siècle (Dubuffet est un plasticien mais il s’est très tôt intéressé aux questions que soulèvent l’écriture).