47 Blanckeman propose une périodisation de l’écriture au vingtième siècle

Une périodisation de la littérature du vingtième siècle devrait, selon lui, comporter au moins quatre grandes divisions qui se présenterait comme une sorte de généalogie de ces récits indécidables :

  1. A le décrire en terme de dominantes littéraires, son premier tiers se caractérise par la multiplicité des innovations esthétiques, marquées par Gide, Proust, Céline dans le domaine du roman ; par le surréalisme dans le domaine de la poésie et des arts de l’image.
  1. Les quelque 25 années suivantes, du début des années 1930 au milieu des années 50, se définissent par le primat d’une littérature de l’engagement, historique, éthique, politique, qui couvre essentiellement l’avènement des fascismes, la seconde guerre mondiale, le début des guerres de décolonisation. Elle s’associe aux noms de Gide encore, de Malraux, de Camus, de Sartre, d’Aragon.
  1. Vers le milieu des années 1950, une littérature portée par son désir de rupture esthétique en conteste les présupposés : derrière le label uniforme du Nouveau (Roman, Théâtre) ou de la Nouvelle (Critique, Vague) se fraient des cheminements singuliers et multiples, de Robbe-Grillet à Claude Simon, de Sarraute à Robert Pinget, de Beckett à Claude Ollier : seule la recherche expérimentale sur les formes narratives, la vocation intransitive de l’écriture romanesque, permettent d’en rapprocher les œuvres. Le projet se radicalise avec le mouvement Tel-Quel, animé entre autres par Philippe Sollers, Julia Kristeva et Denis Roche. Ce mouvement pratique la textualité, une écriture des limites, qui se veut sa propre fin, entend rompre avec toute forme d’illusion, romanesque ou référentielle, expérimente les seules ressources du langage de façon délibérément révolutionnaire à partir de 1968. Il s’agit de subvertir l’ordre dans son enracinement les plus élémentaire, le logos.
  1. Une quatrième période littéraire s’amorce ensuite, qui recoupe le dernier quart du siècle, un temps de crises : crise économique, depuis 1973 ; crise géopolitique, avec la décomposition accélérée des systèmes communistes qui aboutit, à l’aube des années 90, à une refiguration de l’espace international ; crise idéologique, avec, en France, une remise en cause, des grands référents communautaires ; crise biologique, enfin, avec d’une part l’apparition d’une pandémie des plus dérangeante, le sida, et d’autre part la redéfinition du principe même de vie en raison de possibilités scientifiques

Quatre grandes périodes qui jalonnent l’apparition de ces récits indécidables. Tout ceci forme, en quelque sorte, l’histoire de la littérature (au sens de l’activité littéraire) qui va produire dans la formation de ce champ qu’on nomme aujourd’hui « médecine narrative ».