44 Réponse de Marie Darrieussecq

La réponse de Marie Darrieussecq va consister à faire jouer Aristote contre Platon. Elle écrit :

On sait que pèse sur la fiction une condamnation originelle : celle de Platon. Malgré « une certaine tendresse et un certain respect qu’[il a] depuis l’enfance pour Homère », il ne peut taire plus longtemps le sévère règlement qui s’impose pour une cité juste : « n’admettre en aucun cas la poésie imitative », c’est-à-dire la fiction. Elle parle, dit Platon, à la place « de ceux qui ont fait la guerre » : les vrais gens, qui ont souffert dans leur chair, et qui connaissent, eux, le poids des mots, le poids des morts. La fiction est en ce sens un plagiat du réel. L’idée qu’elle puisse donner de la réalité une vision aussi juste, voire plus vraie, que le récit factuel était déjà subversive il y a 2400 ans.

Raison de la condamnation (la même que celle qu’évoque Laurens) : on ne sait plus qui parle.

« Car les poètes créent des fantômes et non des réalités » (Platon, La rRépublique, X). Moralement, c’est intolérable ; politiquement, c’est dangereux : on ne sait plus qui parle, et on est ému par des récits fictifs qui, dit Platon, nous détournent de nos devoirs.