50 Robbe-Grillet précise les points de son désaccord avec ce pacte

Premier élément de désaccord :

Le premier [élément du pacte] concerne l’exigence de signification, qui serait, d’après Lejeune, le principe premier de la quête autobiographique ; en somme, on ne peut commencer son autobiographie que si l’on a compris le sens de son existence. Or, il me semble que c’est tout le contraire. Il est évident que si Duras, Simon ou moi-même écrivons L’Amant, Les Géorgiques ou Le Miroir qui revient, c’est justement parce que nous n’avons pas compris, et que nous n’avons pas l’espoir, même, de comprendre mieux par cette investigation. Nous avons l’impression de n’avoir pas compris ; pour cette raison, il nous faut écrire.

Deuxième élément de désaccord :

Le deuxième élément important du pacte, selon Lejeune, est l’effort d’authenticité (il ne va pas jusqu’à dire de « vérité », car on peut se tromper ; mais il faut se tromper honnêtement). Nous n’avons pourtant aucun scrupule à inventer un Chinois imaginaire, ou à inventer un comte Henri de Corinthe, qui a sans doute aussi une existence historique, mais elle a disparu complètement dans une création romanesque, par moments délirante. Ce qui fait que je ne pourrai jamais, même à la fin du travail, accomplir une image nette et globale (« j’étais comme cela »), c’est, justement, que j’ai l’impression trop forte d’être constitué de morceaux, d’éléments. Des éléments qui bougent, parce qu’il y a des manques. Par rapport à un personnage balzacien, je ne suis fait que de trous, je m’en rends bien compte.