48 Réalisme et Nouveau Roman
- De là le sens que peut avoir le réalisme pour le Nouveau Roman
Tous les écrivains pensent être réalistes. Aucun jamais ne se prétend abstrait, illusionniste, chimérique, fantaisiste, faussaire… Le réalisme n’est pas une théorie, définie sans ambiguïté, qui permettrait d’opposer certains romanciers aux autres ; c’est au contraire un drapeau sous lequel se range l’immense majorité – sinon l’ensemble – des romanciers d’aujourd’hui. Et sans doute faut-il, sur ce point, leur faire confiance à tous. C’est le monde réel qui les intéresse ; chacun s’efforce bel et bien de créer du « réel ».
Le réalisme est l’idéologie que chacun brandit contre son voisin, la qualité que chacun estime posséder pour soi seul. Et il en a toujours été de même : c’est par souci de réalisme que chaque nouvelle école littéraire voulait abattre celle qui la précédait ; c’était le mot d’ordre des romantiques contre les classiques, puis celui des naturalistes contre les romantiques ; et les surréalistes eux-mêmes affirmaient à leur tour ne s’occuper que du monde réel.
Et, ici aussi, on doit conclure que tous ont raison. S’ils ne s’entendent pas, c’est que chacun a, sur la réalité, des idées différentes. Les classiques pensaient qu’elle est classique, les romantiques qu’elle est romantique, les surréalistes qu’elle est surréelle, Claudel qu’elle est de nature divine, Camus qu’elle est absurde, les engagés qu’elle est avant tout économique et qu’elle va vers le socialisme. Chacun parle du monde tel qu’il le voit, mais personne ne le voit de la même façon.
On arrive ici à un problème qui n’est plus tout à fait celui du Nouveau Roman ou qui, du moins, n’a pas été le plus directement traité par Robbe-Grillet.
Ce problème est le suivant : comment rendre compte de la pluralité des réalités à l’intérieur desquelles évolue l’homme du fait de sa diversité culturelle et historique ?
Comment rendre compte de la pluralité des conceptions ? Mais aussi de leur permanente évolution.