43 L’histoire est bien présente

  • Mais, selon Robbe-Grillet, si on ne reconnaît pas l’histoire, c’est seulement parce qu’on la recherche sous la forme où elle était présente dans les romans traditionnels :

Les livres de Proust et de Faulkner sont en fait bourrés d’histoires ; mais, chez le premier, elles se dissolvent pour se recomposer au profit d’une architecture mentale du temps ; tandis que, chez le second, le développement des thèmes et leurs associations multiples bouleversent toute chronologie au point de paraître souvent réenfouir, noyer au fur et à mesure ce que le récit vient de révéler. Chez Beckett lui-même, il ne manque pas d’événements, mais qui sont sans cesse en train de se contester, de se mettre en doute, de se détruire, si bien que la même phrase peut contenir une constatation et sa négation immédiate. En somme ce n’est pas l’anecdote qui fait défaut, c’est seulement son caractère de certitude, sa tranquillité, son innocence.

  • Les futurs lecteurs la verront comme nous la voyons chez les classiques. Robbe-Grillet écrit :

Mais j’imagine sans mal que dans quelques dizaines d’années – plus tôt peut-être – lorsque cette écriture, assimilée, en voie de devenir académique, passera inaperçue à son tour, et qu’il s’agira bien entendu pour les jeunes romanciers de faire autre chose, la critique d’alors, trouvant une fois de plus qu’il ne se passe rien dans leurs livres, leur reprochera leur manque d’imagination et leur montrera nos romans en exemple : « Voyez, diront-ils, comme, dans les années cinquante, on savait inventer des histoires ! »

  • Puisque nous sommes, nous mêmes aujourd’hui quelques dizaines d’années après que ce texte ait été écrit, nous pouvons clairement voir que là, Robbe-Grillet se trompe.