24 Précisions

Et, pour mieux marquer la différence des points de vue, Robbe-Grillet ajoute :

Mais, pour nous, en tout cas, nous devons reconnaître honnêtement, clairement, que le combat n’est pas le même ; et que, aujourd’hui comme toujours, il y a un antagonisme direct entre les deux points de vue. Ou bien l’art n’est rien ; et, dans ce cas, peinture, littérature, sculpture, musique, pourront être enrôlées au service de la cause révolutionnaire ; ce ne seront plus que des instruments, comparables aux armées motorisées, aux machines-outils, aux tracteurs agricoles ; seule comptera leur efficacité directe et immédiate. Ou bien l’art continuera d’exister en tant qu’art ; et, dans ce cas, pour l’artiste au moins, il restera la chose la plus importante au monde. Vis-à-vis de l’action politique, il paraîtra toujours, alors, comme en retrait, inutile, voire franchement réactionnaire.

Trop de telles confusions ont été commises, ces dernières années, au nom du réalisme socialiste. La totale indigence artistique des œuvres qui s’en réclament le plus n’est certes pas l’effet d’un hasard : c’est la notion même d’une œuvre créée pour l’expression d’un contenu social, politique, économique, moral, etc., qui constitue le mensonge. Il nous faut donc maintenant, une fois pour toutes, cesser de prendre au sérieux les accusations de gratuité, cesser de craindre « l’art pour l’art » comme le pire des maux, récuser tout cet appareil terroriste que l’on brandit devant nous sitôt que nous parlons d’autre chose que de la lutte des classes ou de la guerre anti-colonialiste.