39 Deuxième grand totem : l’histoire (ou l’intrigue)

  • Un roman « classique » comporte une histoire qui peut être résumée (on dira, par exemple, que Thérèse Desqueyroux est l’histoire d’une femme qui a été accusée d’avoir tenté d’assassiner son mari, qui a été inculpée — comme on disait alors ; on dirait aujourd’hui « mise en examen » - et pour qui une ordonnance de non-lieu a été prononcée).

Un roman, pour la plupart des amateurs – et des critiques –, c’est avant tout une « histoire ». Un vrai romancier, c’est celui qui sait « raconter une histoire ». Le bonheur de conter, qui le porte d’un bout à l’autre de son ouvrage, s’identifie à sa vocation d’écrivain. Inventer des péripéties palpitantes, émouvantes, dramatiques, constitue à la fois son allégresse et sa justification.

Une convention tacite s’établit entre le lecteur et l’auteur : celui-ci fera semblant de croire à ce qu’il raconte, celui-là oubliera que tout est inventé et feindra d’avoir affaire à un document, à une biographie, à une quelconque histoire vécue. Bien raconter, c’est donc faire ressembler ce que l’on écrit aux schémas préfabriqués dont les gens ont l’habitude, c’est-à-dire à l’idée toute faite qu’ils ont de la réalité.

  • Et le fait de s’inspirer d’une histoire « vraie », comme le fit déjà Flaubert avec Madame Bovary, et comme le fit encore Mauriac avec Thérèse Desqueyroux, d’une histoire qui s’est réellement produite, va constituer un élément important de crédibilisation.