47 L’aspiration au réalisme de la philosophie demeure théorique
Or, s’il est un sortilège que la philosophie cherche à conjurer, c’est bien, au moins depuis la naissance de la phénoménologie, celui de la théorie.
Et c’est pourquoi il y tant d’affinité entre le roman et la phénoménologie.
Cette affinité n’est nulle part plus sensible, sans doute, que chez Proust, pour les raisons que j’ai indiquées la dernière fois (Proust a d’emblée conçu son œuvre comme philosophique). Exemple d’une description chez Proust :
Pour ma part, afin de garder, pour pouvoir aimer Balbec, l’idée que j’étais sur la pointe extrême de la terre, je m’efforçais de regarder plus loin, de ne voir que la mer, d’y chercher des effets décrits par Baudelaire et de ne laisser tomber mes regards sur notre table que les jours où y était servi quelque vaste poisson, monstre marin qui, au contraire des couteaux et des fourchettes, était contemporain des époques primitives où la vie commençait à affluer dans l’Océan, au temps des Cimmériens, et duquel le corps aux innombrables vertèbres, aux nerfs bleus et roses, avait été construit par la nature, mais selon un plan architectural, comme une polychrome cathédrale de la mer.
Et, une partie des œuvres du Nouveau Roman se rapprochera de manière remarquable de la phénoménologie.
Ce sera le cas de Michel Butor, notamment, qui publie, en 1957, un livre La modification, qui obtiendra le Prix Renaudot.