1 Questions sur le texte de Hamilton

On pourrait alors se poser la question suivante : S’il y a de l’autobiographique dans l’autorité philosophique, faut-il en conclure que la voix philosophique est une voix autobiographique qui s’ignore ?

Poser ces questions demande de voir de près le projet de Hamilton qui prolonge celui de Cavell.

Lorsque Kant — je prends Kant parce qu’il est un des plus impersonnel des auteurs ; un de ceux, en tout cas, qui se veulent le plus éloigné de toute autobiographie ou biographie — quand Kant, donc, nous parle des structures a priori de la sensibilité, il ne nous parle pas de lui, apparemment, mais il parle de tout homme, de tout être humain.

Donc, il parle bien de lui (c’est lui, Emmanuel Kant, qui est le foyer subjectif à partir duquel les idées de temps et espace à priori sont élaborées), mais ce « lui » n’est en rien personnel. C’est une structure de sensibilité.

Tout être humain, nous dit Kant (en fait, même, selon lui, toute créature raisonnable) doit nécessairement avoir accès à une sensibilité, laquelle est structurée d’une façon qui est descriptible, à condition de passer par une forme de déduction particulière qui est la déduction transcendantale.

La déduction transcendantale, elle a donc pour but de nous montrer ce qui est commun dans toutes les sensibilités humaines, qui sont pourtant très variées, très différentes les unes des autres.

De ce point de vue, la déduction transcendantale témoigne d’un désir de maîtrise.

Tout philosophe est animé, dit Hamilton, d’un désir de maîtrise.

Ce désir est satisfait, chez Kant, grâce à la découverte de l’opération qu’il a nommé « la déduction transcendantale » et dont son système tout entier est issu.

Mais, nous dit Hamilton, pour s’intéresser, comme Kant l’a fait, à la déduction transcendantale, pour qu’il y voit lui-même la solution de son désir de maîtrise, il fallait qu’intervienne une certaine tendance, une certaine forme de pensée qui, elle, ne peut être justifiée autrement que par le fait que sa pensée a suivi ce cours et pas un autre cours. Autrement dit : autobiographiquement.

Il y aurait donc, cachée derrière la tentation à nier l’autobiographique, une racine toujours autobiographique des textes.