16 Que veut dire « mort de l’auteur » ?
Barthes part d’un bref passage puisé dans Sarrasine de Balzac, une nouvelle publiée en 1830. Parlant d’un castrat, Balzac écrit :
C’était la femme, avec ses peurs soudaines, ses caprices sans raison, ses troubles instinctifs, ses audaces sans cause, ses bravades et sa délicieuse finesse de sentiments.
Qui parle ? demande alors Barthes :
Qui parle ainsi ? Est-ce le héros de la nouvelle, intéressé à ignorer le castrat qui se cache sous la femme ? Est-ce l’individu Balzac, pourvu par son expérience personnelle d’une philosophie de la femme ? Est-ce l’auteur Balzac, professant des idées « littéraires » sur la féminité ? Est-ce la sagesse universelle ? La psychologie romantique? Il sera à tout jamais impossible de le savoir, pour la bonne raison que l’écriture est destruction de toute voix, de toute origine. L’écriture, c’est ce neutre, ce composite, cet oblique où fuit notre sujet, le noir-et-blanc où vient se perdre toute identité, à commencer par celle-là même du corps qui écrit.
Et, ajoute Barthes, ce n’est pas nouveau, mais on ne s’en était pas aussi nettement aperçu jusqu’ici.