11 Réalisme en philosophie

Nous suivrons les réflexions sur le réalisme qu’on peut trouver chez un philosophe contemporain comme Etienne Bimbenet, auteur d’un livre intitulé L’invention du réalisme, publié en 2015. Il écrit :

Nous nous proposons ici d’affronter cette antinomie [entre réalisme et idéalisme] ; nous proposons de prendre sur elle le point de vue de l’origine animale. Par là nous ne voulons ni dénouer ni résoudre, mais configurer autrement la question. Nous savons, depuis Lamarck et Darwin, que nous provenons de l’animal ; or nous pensons que cette certitude nouvelle, définitivement imposée par la science, exige de penser à nouveaux frais les rapports du réalisme et de l’idéalisme.

L’animalité se propose à nous comme un idéalisme – peut-être même comme la seule forme pure d’idéalisme. […] Cela signifie que l’animal ne perçoit que ce qui compte pour lui, en fonction de ses actions possibles. Il ne perçoit que ce qui vaut pour lui comme un signal (Merkmal : un « caractère perceptif »), autrement dit ce qu’il peut remarquer (merken) parce qu’il porte, comme dit Uexküll, un « caractère actif » (Wirkmal).

Le réalisme humain nous situe alors à l’opposé de la corrélation unissant l’animal à son milieu.

La question de savoir ce que nous entendons par réalisme doit donc faire l’objet d’une attention scrupuleuse. Pour Bakhtine, ce qui importe, si on veut être réaliste au sens qui seul importe pour la littérature, c’est de représenter le fait que mêle si on développe une thèse sur le réalisme comme le fait Bimbenet, une thèse originale qui tient compte des savoirs scientifiques sans être pour autant une simple paraphrase de la science, alors il faut tenir compte du fait qu’il se trouvera toujours des voix pour s’opposer à cette thèse, pour élever contre elle une antithèse, et d’autres pour prendre position de multiples autres façons à son endroit, y compris en manifestant un désintérêt pour la thèse en question. Le réalisme polyphonique de Bakhtine, c’est cela. Et c’est parce que le roman peut nous donner accès à la polyphonie du réel humain que le roman accompli quelque chose qu’aucun autre art ne peut atteindre.

D’après Bakhtine, il en résulte que le roman constitue un outil fondamental de la philosophie.