4 L’introduction du volume

Sandra Laugier (qui a coordonné le volume) écrit, dans son introduction :

Qu’est-ce que la littérature a à apporter à la philosophie morale - exemples, éducation, histoires édifiantes ? Inversement, la philosophie morale peut-elle nous donner accès aux contenus moraux des œuvres littéraires, dégager les connaissances morales ou des jugements moraux qui en seraient partie intégrante ? Selon les auteurs contemporains dont nous avons rassemblé ici les contributions, de telles expressions sont mal formulées, inadéquates, et doivent être revues et approfondies. Certes, il y a un objet commun (une matière commune, des données partagées) à l’éthique et à la littérature : très souvent elles semblent parler de la même chose, formuler des problèmes parallèles. Pourtant le rapport est difficile à établir et n’est pas toujours fait de façon explicite : les exemples littéraires sont fréquemment utilisés comme si leur sens était évident - par exemple, le caractère, le destin ou les actions de tel personnage de roman - alors que ce sont bien sûr la richesse du contexte, le détail de l’écriture et de la description, l’imagination du lecteur qui seuls pourraient donner ce sens. Ce qu’apporte la littérature à l’éthique (le contenu, la portée morale des œuvres littéraires, ou cinématographiques) ne peut être déterminé par une « connaissance », des « arguments » ou des « jugements » ; c’est la première thèse que partagent, ici, Cora Diamond et Martha Nussbaum, qui sont les représentantes les plus remarquables d’une nouvelle approche de l’éthique en littérature et ont profondément transformé ce champ dans les travaux, consacrés notamment à Henry James, que nous présentons ici. Mais, comme le note aussi Jacques Bouveresse, il est évident que la lecture d’œuvres littéraires (« classiques » ou autres) nous apprend quelque chose, et donne ainsi forme à notre vie. Sinon, ces œuvres ne diraient rien, et la convergence que nous avons notée en commençant, entre éthique et littérature, n’existerait pas.