Philosophie Université de Tours - Licence, Master, Doctorat, DU - Tours, France
Ce séminaire de recherche sera consacré à l’analyse d’un phénomène encore trop récent pour avoir été plus qu’effleuré par la philosophie : les réseaux sociaux et leur impact sur la politique. De quelle façon se sont constitués les réseaux sociaux ? Comment préciser la nature des effets qu’ils peuvent avoir sur les choix politiques de pays dont la vie publique est rythmée par l’organisation de consultations démocratiques ? Comment, en d’autres termes, penser la nature de l’interaction entre réseau social et vie démocratique ? On montrera que, pour aborder ces questions, un recul historique vers les premières réflexions sur la nature des foules est nécessaire. C’est ainsi en revisitant l’œuvre d’auteurs qui ont tenté de saisir la différence entre comportements individuels et comportement collectifs qu’on sera conduit à poser le problème de la nature des réseaux sociaux. Cette enquête, on le verra, conduit à identifier deux massifs de discussions théoriques qui n’ont, jusqu’ici, été que rarement rapprochés l’un de l’autre : la psychologie des foules, d’une part et la phénoménologie, d’autre part. C’est ce rapprochement qui constituera l’objet d’investigation de ce séminaire.
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Sur la problématique des foules :
- Gabriel Tarde, Les lois de l’imitation, 1890 - Scipio Sighele, La foule criminelle, 1891
- Gustave Le Bon, la psychologie des foules, 1895
- Sigmund Freud, Psychologie des foules et analyse du moi, 1921
- Elias Canneti, Masse et puissance, 1966
- Serge Moscovici, L’âge des foules, 1981
- Olivier Bosc, La foule criminelle, 2007
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Sur la phénoménologie :
- Robert Sokolovski, Introduction à la phénoménologie, 1999
- Edmund Husserl, Recherches logiques, 1900-1901
- Edmund Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie et pour une philosophie phénoménologique pure, 1913
- Edmund Husserl, Philosophie première, 1923-1924
- Martin Heidegger, Etre et temps, 1927
- Martin Heidegger, Qu’est-ce qu’une chose ? 1931
- Alfred Schütz, The phenomenology of the social world, 1967
On étudiera le grand programme d’unification des mathématiques théorisé au XXe siècle par David Hilbert et la réfutation dont il a fait l’objet, suite notamment aux travaux de Kurt Gödel et d’Alan Turing. Nous verrons en quoi cette réfutation n’a pas valeur d’échec pour les mathématiques, mais présente au contraire une importante fécondité théorique.
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- Belna J.-P. : Cantor, Paris, Les Belles Lettres, 2000
- Blena, J.-P. : Histoire de la théorie des ensembles, Paris, Ellipses, 2009
- Cassou-Noguès P. : Hilbert, Paris, Belles Lettres, 2001
- Cassou-Noguès P. : Gödel, Paris, Belles-Lettres, 2004
- Cléro J.-P. : Les raisons de la fiction, Armand Colin, 2004
- Dieudonné J. : Abrégé d’histoire des mathématiques 1700-1900, Hermann, 1986
- Gandon S. & Smadja I. (éd.) : Philosophie des mathématiques I, Ontologie, vérité et fondements, Vrin, 2014
- Gandon S. & Smadja I. (éd.) :Philosophie des mathématiques II, Logique, preuve et pratiques, Vrin, 2017
- Parrochia D., Micali A. & Anglès P. : L’unification des mathématiques, Hermès, 2012
- Panza M. & Sereni A. : Introduction à la philosophie des mathématiques, Flammarion, 2013
- Russell B. : Introduction à la philosophie mathématique [1919], Payot, 1991
- Salanskis J.-M. : Philosophie des mathématiques, Vrin, 2008
- Séguy-Duclot A., Généalogie des mathématiques, Spartacus IDH, 2019.
- Wittgenstein L., Remarques sur les fondements des mathématiques [écrits 1937-1944], tr. M.-A. Lescourret, Paris, Gallimard, 1983.
Ce séminaire voudrait étudier la réflexion sur la philosophie en tant que thérapie de l’âme dans la pensée latine romaine. Deux objections peuvent être aussitôt soulevées. D’une part, le succès de la philosophie comme thérapie de l’âme semble être aujourd’hui un simple objet d’archive, si l‘on pense aux différentes approches contemporaines pour soulager ou soigner la souffrance mentale. D’autre part, la philosophie romaine n’a pas toujours eu bonne presse, étant souvent réduite à une mauvaise copie de la pensée grecque. Toutefois tel n’est pas le cas. Les philosophies hellénistiques, qu’il s’agisse du stoïcisme, de l’épicurisme, du cynisme, n’ont pas seulement élaboré un système cosmologique et logique très cohérent, mais elles ont aussi posé vaillamment la question : qu’est-ce que la philosophie peut faire pour contrer ce qui fait obstacle à toute intellection, à savoir la force agressive et désintégrative de la douleur sous ses aspects multiples ? Or, la philosophia togata, de la philosophie en toge, a assurément repris à son compte la réflexion grecque, mais elle en a aussi transformé les modalités, en radicalisant les propos. Les maladies de l’âme sont considérées comme un aspect constitutif de l’homme, c’est pourquoi les remèdes doivent être pensés à nouveaux frais. La notion de consolation devient alors significative : elle fait partie de la thérapie, souvent la remplace. Nous travaillerons sur les textes suivants : Cicéron, Les Tusculanes, le dernier livre de Les fins extrêmes et Sénèque, Les lettres à Lucilius, mais aussi Ovide, Remèdes contre l’amour. Les étudiants peuvent se procurer la traduction de leur choix.
Le cours proposera un parcours à travers les figures du sujet qui apparaissent dans les grands corpus de l’humanisme renaissant, de Pétrarque à Descartes en passant par Pic de la Mirandole, Rabelais et Montaigne. Tout en s’intéressant aux modes de construction du soi comme récapitulation de la mémoire culturelle dans l’humanisme italien, le cours accordera une attention particulière à l’engendrement du sujet dans les textes français du XVIe siècle, en tant que le sujet est aussi et peut-être d’abord l’objet d’une production de la langue.
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- Pétrarque, Mon Secret (Secretum), trad. F. Dupuigrenet-Desroussilles, Paris, Rivages, 1991.
- Rabelais, Œuvres Complètes, ed. M. Huchon, Paris, Gallimard, Pléiade, 1994.
- Montaigne, Les Essais, ed. P. Villey, Paris, PUF (nmbreuses rééd.).
- Montaigne, Les Essais, ed. Paris, Gallimard, Pléiade, 2009.
- Descartes, Œuvres, Adam & Tannery, Paris, Vrin-CNRS, 1992, 11 vol.
- Descartes, Œuvres, ed. F. Alquié, Paris, Classiques Garnier, 3 vol. (rééd. en cours)
On étudiera plusieurs tentatives en philosophie analytique pour surmonter l’impossibilité, posée par les théoriciens wittgensteiniens, de toute définition de l’art.
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- Danto, A. :
o La transfiguration du banal (1981), Seuil, 1989
o L'assujettissement philosophique de l'art (1986), Seuil, 1993
- Goodman, N. : Langages de l'art (1968), Fayard/Pluriel, 2011
- Lories, D. (éd.) : Philosophie analytique et Esthétique, Méridiens-Klincksieck, 2004
- Pouivet R. : L’ontologie de l’œuvre d’art, Vrin, 2010
- Wollheim, R. : L'art et ses objets (1980), Aubier, 1994.
Ce cours prend la forme de séminaires, où interviennent, outre les enseignants en charge, des chercheurs invités.
La première partie du cours se compose de deux journées de séminaire pluridisciplinaire et pluri-professionnel. Ce séminaire est aussi proposé aux étudiants du Master 1 Sciences de l’éducation, du M1 Cadres de santé, du M1 MEEF PIF option « Formation de formateurs » et du DUMI. Il s’appuie sur une modalité pédagogique favorisant la rencontre des publics et les échanges pluri-professionnels. Le propos est d’aborder quelques problèmes de philosophie de l’éducation aujourd’hui, d’y initier les étudiants, et de leur donner un aperçu de l’état des recherches et discussions contemporaines, ainsi que de les mettre en situation de s’y cultiver, et d’y soutenir une position et une argumentation.
Ces deux premières journées de séminaire seront complétées par la participation à un atelier sur la philosophie de l’éducation développée par le pragmatiste américain John Dewey (1859-1952). Par la rencontre avec différents chercheurs, il s’agira ainsi d’approfondir la manière dont l’éducation peut se concevoir comme un objet de réflexion philosophique à part entière, au sein d’un système de pensée, tout comme les liens que peut entretenir cet objet avec d’autres aspects de sa pensée (politique, esthétique, morale etc.).
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- Houssaye, Jean, « De la naissance des philosophies de l’éducation en France », in Vergnioux, Alain (dir.), 40 ans des sciences de l’éducation. L’âge de la maturit�� ? Questions vives, Caen, Presses Universitaires de Caen/CRDP de Basse-Normandie, 2009. pp. 165-178
- Moreau, Didier, « De la recherche en philosophie de l’éducation », in Vergniou, Alain (dir.), 40 ans des sciences de l’éducation. L’âge de la maturité ? Questions vives, Caen, Presses Universitaires de Caen/CRDP de Basse-Normandie, 2009. pp. 179-192
Présentation
De prime abord, ce séminaire semble poser une question anachronique. L’esthétique comme discipline au sens de réflexion sur la perception du goût et sur la spécificité de l‘activité artistique fut définie la première fois par Baumgarten. Pour poser la poser légitiment, il aura fallu en effet passer par les Lumière et développer une conception spécifique des facultés de la perception et du jugement. Toutefois, le décentrement du regard et, partant, des attentes soulevées par cette interrogation, peut aider à remettre en question certaines préjugés et à faire ressortir des aspects quelque peu surprenants. Par exemple : peut-on vraiment affirmer que l’humanisme a cultivé l’idéal de la beauté ? S’agit-il vraiment d’une fracture d’avec la culture médiévale ou d’un changement de signification ? Est-ce que la conception du beau était accompagnée d’une réflexion sur le travail artistique ? Pour nous éclairer les idées, nous voudrions étudier les textes philosophiques, mais aussi les œuvres artistiques, qui ont joué un rôle significatif entre le XIII et le XV siècles. Il faudra se procurer d’abord: Olivier Boulnois et Isabelle Moulin (éds.), Le beau et la beauté au Moyen Age, Paris, 2018.
Dans la suite du cours du premier semestre "Philosophie première", ce cours cherchera à situer la phénoménologie par rapport aux sciences humaines (anthropologie et psychologie) afin de fournir une base correcte et philosophiquement robuste à l'analyse des modifications de mode d'être induits par les médias sociaux. On partira des principaux acquis de l'analyse déjà menée (naissance des sciences humaines et de la phénoménologie) pour en approfondir l'examen. On s'appuiera, notamment, sur les rectifications de la notion de sujet que la phénoménologie a pu être amenée à produire. On approchera cette question à partir de l'histoire de la phénoménologie et d'un de ses textes fondateurs paru en 1927 : Etre et temps, de Martin Heidegger.
Deux interventions extérieures viendront compléter le cours et constitueront des objectifs intermédiaires de son déroulement : 1) Tout d'abord, un chercheur irlandais de l'Université Maynooth (à côté de Dublin), Cyril McDonnel, nous présentera ses travaux sur l'histoire de la phénoménologie (en anglais) — le 5 février ; il répondra aux questions le 12 février. Le texte de son intervention sera mis à la disposition des étudiants et la session de question sera organisée à partir des remarques qu'ils auront formulées.2) Le colloque "Qu'appelle-t-on ambiance ?" (présenté ici) viendra clore la série de cours par une réflexion engagée autour d'un livre récent qui relance l'héritage de la phénoménologie vers de nouvelles investigation : Le concept d'ambiance de Bruce Bégout (2020).Ainsi, le cours sera délimité par deux publications qui se complètent étroitement. Des exposés en présenteront divers aspects.
Inscription au cours : https://syllabus.universite.tours
Présentation
Cogito, conscience et réflexivité dans la philosophie du XVIIe siècle : les enjeux de la ligne de partage entre rationalisme et empirisme pour la thématisation moderne de la subjectivité. Le sujet de la science et l'identité personnelle.
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- Descartes, Oeuvres, éd. Adam et Tannery, Paris, Vrin, 1996
- Spinoza, Traité de la réforme de l'Entendement, tr fr C. Appuhn, Paris, GF-Flammarion, 1964.
- Spinoza, Ethique, tr.fr B. Pautrat, Paris, Seuil, 1988
- Leibniz, Système nouveau de la nature et de la communication des substances, présentation de C. Frémont, Paris, GF-Flammarion, 1994.
- Locke, Essai concernant l'entendement humain, tr.fr. P. Coste, Paris, Vrin, 1983
- Locke, Identité et Différence. An essay concerning human understanding II, xxvii, présentation et traduction par E. Balibar, Paris, seuil, 1998.
Présentation
Dans la suite du cours du premier semestre "Philosophie première", ce cours cherchera à situer la phénoménologie par rapport aux sciences humaines (anthropologie et psychologie) afin de fournir une base correcte et philosophiquement robuste à l'analyse des modifications de mode d'être induits par les médias sociaux. On partira des principaux acquis de l'analyse déjà menée (naissance des sciences humaines et de la phénoménologie) pour en approfondir l'examen. On s'appuiera, notamment, sur les rectifications de la notion de sujet que la phénoménologie a pu être amenée à produire. On approchera cette question à partir de l'histoire de la phénoménologie et d'un de ses textes fondateurs paru en 1927 : Etre et temps, de Martin Heidegger.
Deux interventions extérieures viendront compléter le cours et constitueront des objectifs intermédiaires de son déroulement : 1) Tout d'abord, un chercheur irlandais de l'Université Maynooth (à côté de Dublin), Cyril McDonnel, nous présentera ses travaux sur l'histoire de la phénoménologie (en anglais) — le 5 février ; il répondra aux questions le 12 février. Le texte de son intervention sera mis à la disposition des étudiants et la session de question sera organisée à partir des remarques qu'ils auront formulées.2) Le colloque "Qu'appelle-t-on ambiance ?" (présenté ici) viendra clore la série de cours par une réflexion engagée autour d'un livre récent qui relance l'héritage de la phénoménologie vers de nouvelles investigation : Le concept d'ambiance de Bruce Bégout (2020).Ainsi, le cours sera délimité par deux publications qui se complètent étroitement. Des exposés en présenteront divers aspects.
Inscription au cours : https://syllabus.universite.tours---
- Binswanger, L., 2016, Phénoménologie, psychologie, psychiatrie: Vrin, 280 p.
- Bizub, E., 2005, Proust et le moi divisé?: la Recherche, creuset de la psychologie expérimentale, 1874-1914: Genève, Librairie Droz.
- Carraud, V., 2010, L’invention du moi: Paris, Presses Universitaires de France - PUF, 180 p.
- Collectif, and J.-C. Beaune, 1998, Phénoménologie et psychanalyse. Etranges relations: Seyssel, Champ Vallon Editions, 284 p.
- Fédida, P., 2005, Phénoménologie, psychiatrie, psychanalyse: Puteaux, Le Cercle Hérméneutique.
- Frère, B., 2013, La phénoménologie à l’épreuve des sciences humaines: Bruxelles, Peter Lang, 171 p.
- Freud, S., 2010, Métapsychologie: Paris, Presses Universitaires de France - PUF, 168 p.
- Haaz, I., 2002, Les conceptions du corps chez Ribot et chez Nietzsche: Paris, Editions L’Harmattan, 198 p.
- Husserl, E., 2002,��Psychologie phénoménologique: Paris, Librairie Philosophique Vrin, 346 p.
- Husserl, E., 2003, Recherches logique, tome 1?: Prolégomènes à la logique pure: Paris, Presses Universitaires de France - PUF, 298 p.
- Jaramillo-Mahut, M., 1997, E. Husserl et M. Proust: à la recherche du moi perdu: Paris, France, Editions L’Harmattan, 296 p.
- Mandressi, R., 2012, Le temps profond et le temps perdu: Revue d’Histoire des Sciences Humaines, no. 25, p. 165–202.
- Moinat, F., 2011, Le vivant et sa Naturalisation: le probleme du naturalisme en biologie chez Husserl et le jeune Merleau-Ponty: Dordrecht, Springer, 236 p.
- Natanson, M. A., 1998, The Erotic Bird: Phenomenology in Literature: Princeton University Press Princeton, NJ.
- Popa, D., 2012, Apparence et réalité?: Phénoménologie et psychologie de l’imagination: Hildesheim, Georg Olms.
- Ricoeur, P., 1995, De l’interprétation: Paris, Seuil, 592 p.
- Robert, F., 2003, Proust phénoménologue? in Bulletin Marcel-Proust, no. 53, p. 139–154.
- Ribot, Th. L'hérédité. Étude psychologique, Éd. Germer Baillière, coll. «Bibliothèque de philosophie contemporaine» (1873)
Qu’est-ce que la philosophie sociale ? Faut-il la comprendre aujourd’hui comme une alternative à la philosophie politique ou comme une autre façon de penser cette dernière ? Cela engage d’abord de rouvrir la discussion sur le rapport du social et du politique. Comment, ensuite, appréhender les souffrances sociales qui sont le point de départ de la philosophie sociale ? Car la démarche théorique de cette dernière n’est pas tant de dire ce qui doit être que de faire le diagnostic de ce qui ne va pas dans l’ordre social existant, ce qui fait obstacle à l’épanouissement et impose des formes de vie dégradées. Elle analyse ainsi ces vies vécues comme aliénées et s’interroge sur les conditions sociales et historiques de telles expériences. Nous nous intéresserons enfin à l’outil que peut représenter la philosophie sociale pour penser le travail, la question de la reconnaissance au travail et les pathologies du travail.
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- Alexis Cukier, Qu’est-ce que le travail ? , Paris, Vrin, Chemins philosophiques, 2018.
- Alexis Cukier et Olivier Gaudin (dir.), Les sens du social, philosophie et sociologie, Presses universitaires de Rennes, Philosophica, 2017.
- Christophe Dejours, Souffrance en France (1998), Paris, Seuil, Points Essais, 2014.
- Christophe Dejours, entretien avec Béatrice Bouniol, La Panne, Paris, Bayard, 2012.
- Christophe Dejours, Le Facteur humain (1995), Que sais-je ?, 2014.
- Jean Furtos (dir.), Les Cliniques de la précarité, Masson, 2008.
- « Reconnaissance », Honneth, Axel, p. 1640-1647, in Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, tome 2, dir. Monique Canto-Sperber, Paris, PUF, Quadrige, Dicos Poche, 2004.
- Norbert Elias, La Solitude des mourants [1982], trad. S. Muller, C. Nancy, Christian Bourgois, Titres, 2012.
- Axel Honneth, La Lutte pour la reconnaissance, Paris, Éditions du Cerf, Passages, 2007.
- Axel Honneth, La société du mépris, Vers une nouvelle Théorie critique, Paris, La Découverte, Armillaire, 2006.
- Axel Honneth, Les pathologies de la liberté, Une réactualisation de la philosophie du droit de Hegel, Paris, La Découverte, Théorie Critique, 2008.
- Franck Fischbach, Manifeste pour une philosophie sociale, Paris, La Découverte, Théorie critique, 2009.
- Emmanuel Renault, L’Expérience de l’injustice, Paris, La Découverte, 2004.
- Emmanuel Renault, Souffrances sociales. Philosophie, psychologie et politique, Paris, La Découverte, 2008.
- Emmanuel Renault, Mépris social, Editions du Passant, Poches de résistance, Essai, 2000.
Nous proposons dans ce cours d’introduction à l’éthique médicale et à la bioéthique une approche philosophique des principaux objets de recherche qui constituent ces deux domaines. Nous montrerons en quoi ces deux champs – l’éthique médicale et la bioéthique – peuvent être distingués mais qu’il existe également des chevauchements des questions philosophiques soulevées tant dans le rapport aux biotechnologies que dans la relation au patient. Ainsi, nous interrogerons la place et le rôle des patients dans l’organisation médicale à l’aune des nouvelles pratiques médicales et biomédicales. Nous étudierons la relation éthique médecin/patient/aidant ainsi que les enjeux d’une médecine dite “narrative” et d’une médecine dite “personnalisée”. Nous explorerons également les questions liées aux conceptions actuelles de la santé et du bien-être et in extenso à la conception de la maladie et à sa prise en charge. D’autres objets d’études seront également abordés : Les progrès des dispositifs médicaux et chirurgicaux comme l’allogreffe qui suscite de nouvelles questions sur l’identité individuelle ; les nouvelles prothèses qui, quant à elles, interrogent les limites éthiques posées par le rapport entre compensation et augmentation humaine ; les questions de soin de la personne en fin de vie qui suscitent de nouvelles interrogations sur les principes éthiques d’autonomie et de consentement éclairé ; enfin les questions de bioéthique relatives à l’exploitation et à l’appréhension des données génétiques.
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- Bernardino Fantini et Louise Lambrichs, Histoire de la pensée médicale contemporaine – évolutions, découvertes, controverses, Paris, Seuil, 2014.
- Dominique Lecourt (sous la dir. de), Dictionnaire de la pensée médicale, Paris, PUF, 2004.
- Hottois, Gilbert et Jean-Noël Missa, Nouvelle encyclopédie de bioéthique : médecine, environnement, biotechnologie, Bruxelles, De Boeck, 2001.
- Maria Malatesta, Doctors and patients : history, representation, communication from Antiquity to the present, San Francisco, UC medical humanities press, 2015.
- Georgia Petridou, Chiara Thumiger, Homo patiens : approaches to the patient in the ancient world, Leiden, Boston, Brill, 2016.
- Massé Raymond, avec la coll. de Jocelyne Saint-Arnaud, Éthique et santé publique. Enjeux, valeurs et normativité, Laval, PU Laval, 2015.
- Mariacarla Gadebusch Biondo (sous la dir.), Medical Ethics – Premodern Negotiations between Medicine and Philosophy, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2014.
- Lazare Benaroyo et alii, La Philosophie du soin, médecine éthique, société, Paris, PUF, 2010
- Corine Pelluchon, La raison du sensible. Entretiens autour de la bioéthique, Perpignan, Artège, 2011.
- Laurent Visier, Médecine, maladie, société. L’éthique médicale, Montpellier, Sauramps Médical, 2008.
- Céline Lefève, Benaroyo, Lazare, Worms, Frédéric (dir.), Les Classiques du soin, Paris, Presses Universitaires de France, coll. Questions de soin, 2015
- Céline Lefève, Mino, Jean-Christophe, Nathalie Zaccaï-Reyners (eds), Le Soin. Approches contemporaines, Paris, Presses Universitaires de France, coll. Questions de soin, 2016
- Lefève Céline, « De la philosophie de la médecine de Georges Canguilhem à la philosophie du soin médical », Revue de métaphysique et de morale, 2014, vol. 82, no 2, p. 197221.
- Michel Foucault,
o Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
o Naissance de la clinique, Paris, PUF, 1962.
- Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, Presses Universitaires de France, 2013.
- Didier Sicard, L’éthique médicale et la bioéthique, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je?? », 2015.
- Elodie Giroux, Maël Lemoine (Dir.), Philosophie de la médecine, Santé, maladie et pathologie, Vrin, 2012.
Dans ce séminaire, nous examinerons le concept de machine tel qu’il s’est développé depuis la révolution scientifique. Qu’est-ce qu’une machine ? Une machine est-elle un objet de nature technique ou de nature scientifique ? De quelle façon science et technique entrent-elles en dialogue dans la conception des machines modernes ? Peut-on concevoir une machine qui ne doive rien aux savoirs scientifiques ? On s’intéressera, en particulier, aux analyses de Joseph Needham sur le développement de la technique en Chine avant la révolution scientifique européenne. Qu’en est-il du développement des machines informatiques conçues sur la base des analyses de Turing, lesquelles visaient précisément à définir le concept de machine ? Quelles sont les limites de la machine universelle telle que la conçoit Turing ? En particulier, un tel objet pourrait-il penser ? Cette question a longuement préoccupé Turing. Sa réponse implique, en effet, qu’on fournisse une définition de la pensée : question philosophique entre toutes. Cet ensemble de problèmes sera abordé dans ce séminaire.
Introduction à la lecture de Wittgenstein : La question du langage ordinaire et la reformulation des problèmes classiques de la philosophie dans la pensée du Second Wittgenstein
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- Le cahier bleu et le cahier brun, tr.fr. M. Goldberg et J. Sackur, Paris, Gallimard, 1996
- Recherches philosophiques, tr.fr F. Dastur et alii, Paris, Gallimard, 2004
- De la certitude, tr.fr D. Moyal-Sharrock, Paris, Gallimard, 2006
- J. Bouveresse, Le mythe de l'intériorité, Paris, Minuit, 1976
- C. Chauviré, L'immanence de l'ego. Langage et subjectivité chez Wittgenstein, Paris, PUF, 2009
- C. Chauviré, Wittgenstein en héritage, Paris, Kimé, 2010
- S. Laugier, Wittgenstein. Les sens de l'usage, Paris, Vrin, 2009
- S. Laugier, Wittgenstein. Le mythe de l'inexpressivité, Paris, Vrin, 2010
À partir d’une réflexion sur la constitution du concept de culture dans la pensée classique, le CM (16h) proposera une approche du problème de la pluralité des cultures pris dans ses enjeux théoriques et pratiques. On s’intéressera tout particulièrement à l’appréhension de la diversité culturelle dans la naissance des « sciences de l’homme », ainsi qu’aux pensées critiques de la domination culturelle à l’époque des cultures de masse. Le TD (6h) sera plus particulièrement consacré au développement concret d’une approche plurielle des pratiques culturelles, à travers l’exemple des pratiques d’écriture et de lecture.
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- Hannah Arendt, La Crise de la culture, trad. B. Cassin, Paris, Gallimard, 1972, rééd. 1989.
- Christopher Lasch, « Mass culture reconsidered », dans la revue Democracy, 1981 ; trad. Culture de masse ou culture populaire ?, Paris, Éditions Climats, 2001.
- François Rastier et Simon Bouquet (éd.), Une introduction aux sciences de la culture, Paris, PUF, 2002.
- Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli (dir.), La culture de masse en France, de la Belle Époque à aujourd’hui, Paris, Fayard, 2002, rééd. Paris, Hachette, 2006.
- Armand Mattelart et Éric Neveu, Introduction aux Cultural Studies, Paris, La Découverte, 2003, rééd. 2008.
- Philippe Poirrier, Les Enjeux de l’histoire culturelle, Paris, Seuil, 2004.
Nous proposons de considérer le diagnostic formulé par certains penseurs, français en particulier, selon lequel nous participerions d’une époque postmoderne. Le travail du philosophe Jean-François Lyotard est plus que tout autre associé à la notion de postmodernisme. Il en a décliné et théorisé les aspects dans des livres comme La condition postmoderne (1979), Le postmoderne expliqué aux enfants (1986), Moralités postmodernes (1993), mais aussi dans l’ouvrage qui constitue comme le fondement philosophique de ces développements, Le Différend (1983). La pensée du postmoderne inscrit clairement Lyotard dans une tradition adornienne de critique de la raison moderne, d’une dénonciation dans les Lumières de la trahison de la raison, mais surtout de l’homme, par le pouvoir, celle aussi de l’intrication de la domination réelle avec la domination idéelle. Le terme de postmoderne peut répondre à plusieurs enjeux : faire le diagnostic d’une condition du savoir, conduire la critique des grands récits de légitimation qui auraient fait faillite (la dialectique de l’Esprit chez Hegel, l’herméneutique du sens chez Husserl, l’émancipation du sujet raisonnable ou travailleur chez Marx, le développement de la richesse pour la pensée libérale), mais aussi ouvrir avec espoir un champ des possibles relatif au libre développement des « petits récits » ou à la promotion d’identités postmodernes déliées justement du principe moderne d’identité du sujet. Cette polysémie qui mêle considérations empiriques, diagnostic d’époque qui dresse le constat d’une constellation changeante dans la réalité culturelle, et revendications normatives, etc. constitue d’ailleurs un problème. Pourquoi les grands récits ou les métarécits ne seraient-ils plus « crédibles » ? Pourtant, le postmoderne est-il à concevoir seulement comme une époque ? Ne peut-il pas être appréhendé aussi comme un mode dans la pensée, l’énonciation et la sensibilité, si bien qu’il ne serait pas à comprendre comme postérieur au moderne ? S’il s’agit d’un mode ou d’un projet, on peut chercher à identifier tout le postmoderne qui se logeait incidemment dans la période que nous appelons, nous, « moderne », en dépit de la « liquidation » du projet moderne.
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- Theodor W. Adorno, Dialectique négative, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2003.
- Theodor W. Adorno & Max Horkheimer, La Dialectique de la raison : fragments philosophiques, Paris, Gallimard, 1989.
- Hannah Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, Paris, Seuil, L’ordre philosophique, 2014.
- Jean Baudrillard, À l’ombre des majorités silencieuses ou la fin du social, Paris, Sens et Tonka, Morsure, 1997.
- Jürgen Habermas,Le Discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, NRF, Bibliothèque de philosophie, 1988.
o « La modernité : un projet inachevé », p. 950-969, in Critique n° 413, Octobre 1981, Vingt ans de pensée allemande, Minuit.
- Gilles Lipovetsky, Sébastien Charles, Les Temps hypermodernes, Grasset, Nouveau collège de philosophie, 2004.
Jean-François Lyotard,
O La condition postmoderne, Paris, Minuit, « critique », 1979.
O Le différend, Paris, Minuit, « critique », 1983.
O Le Postmoderne expliqué aux enfants, Galilée, Débats, 2005.
O Moralités postmodernes, Paris, Galilée, 2005.
O Gérard Raulet, « Marxisme et condition postmoderne », p. 289-313, in Philosophiques, vol. X, N°2, octobre 1983.
O Richard Rorty, Contingence, ironie et solidarité, Paris, Armand Colin, Théories, 1993.
La question de la technique a été traitée philosophiquement (Husserl, Heidegger, École de Francfort) dans le cadre de la philosophie allemande qui en fit une critique radicale. Au XIXe siècle, dans la philosophie française en particulier, l’industrialisme a servi de matrice à la fois aux théorisations du capitalisme libéral et aux diverses formes de sa contestation (socialisme utopique, marxisme, etc.). Hors de ces écoles de pensée, dans le champ contemporain, des problématiques liées aux nouvelles technologies et à la société post-industrielle croisent les thèmes majeurs de l’éthique et de la politique environnementale, du transhumanisme et de l’humanité augmentée, du capitalisme cognitif.
Derrière les NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Intelligence artificielle, Sciences cognitives) se profile une nouvelle définition de la culture, la fusion de la technologie et de la biologie, un capitalisme cognitif. Ceci met en cause l'humanisme moderne.
La dernière des trois questions posées par Kant (Qu'est-ce que l'Homme ?) semble devoir désormais être formulée autrement. L'avenir est-il à la transhumanité ? Le transhumanisme est-il un humanisme ? L'Homme est-il augmenté ou diminué ? Quelle est la place des humanités au sens des études littéraires et philosophiques ? La philosophie commence seulement à se saisir de ces nouveaux objets.
On croisera la question de l'identité personnelle, de l'intelligence collective, de l'industrialisation de l'intelligence, des nano computers, de la définition de la nature humaine, des systèmes hybrides biologie/technologie, de l'Human Brain Project de Lausanne, etc.
Le transhumanisme se présente comme une entreprise de dépassement des normes humaines. Il spécule sur le fait que l’homme pourrait, dans un avenir proche, devenir très différent de ce qu’il est actuellement : durée de vie sensiblement augmentée (voire, selon certains, suppression de la mort), augmentation de toutes les “performances” caractéristiques des humains actuels (endurance, mémoire, capacité de calcul, capacité d’intégration de données, etc.).
Le transhumanisme suscite déjà un nombre de projets politiques qui ont souvent un caractère libéral prononcé : si, en effet, l’homme de demain n’est plus tributaire des limites biologiques que semblait lui assigner sa nature, ne se délivrera-t-il pas, du même coup, des obligations de solidarité qui avaient caractérisé son ancienne (actuelle) condition ? De ces idées sont nées des projets politiques radicaux qui méritent une analyse critique.
De plus, pourrait-on se demander, s’agit-il, avec ces récits qu’élaborent les philosophes dits transhumanistes (et dits philosophes), d’autre chose que d’une manifestation de la nature narrative de l’humain abondamment mise en évidence depuis MacIntyre et Ricœur, avec cette seule différence que la recherche d’identité narrative est ici tournée vers le futur tandis qu’elle était tournée, chez les penseurs de l’identité narrative, principalement vers le passé ?
Ce séminaire voudrait analyser la mémoire comme une faculté de l’âme ou de l’esprit à partir de la question : qu’est-ce signifie avoir ou faire une expérience par la mémoire ? Il ne s’agit pas tant de se placer sur un plan psychologique que sur un plan « phénoménologique ». Qu’est-ce que nous faisons quand nous nous souvenons ou oublions quelque chose ? Quelles sont les opérations de sens, les contenus objectifs et les intentions propres à la mémoire par rapport à d’autres facultés, comme la perception ou l’imagination ? Quelle est la fonction cognitive, mais aussi affective de la mémoire ? Est-ce que la mémoire constitue le plus intime de sa propre personnalité ou elle est de manière constitutive collective, historique et sociale, voire anonyme ?
Pour développer une analyse fine de la mémoire, nous croiserons les points de vue philosophique et littéraire, mais nous discuterons également le projet de l’historien de l’art Aby Warburg, Mnémosyne, et la réflexion sur la « mémoire culturelle » de Jan Assmann. Les œuvres littéraires examinées seront Vers le phare et les Vagues de Virginia Woolf, Sylvie de Nerval, la nouvelle de Borgès, « Funès, ou la mémoire », quelques nouvelles de Kafka et cela va sans dire, Proust. Cela dit, les étudiants pourrons proposer d’autres textes. Parmi les philosophes, nous nous appuierons sur des passages tirés d’Augustin, de Locke et de Bergson, mais aussi nous lirons ensemble, La mémoire, l’histoire et l’oubli de Paul Ricoeur, Paris, Seuil, 2000.
Le débat philosophique sur la nature et la définition du totalitarisme et de la démocratie s’est développé après la Seconde Guerre Mondiale. Le totalitarisme en effet est un phénomène politique absolument nouveau propre au XXe siècle. Encore aujourd’hui de fait, la discussion autour de cette notion est chargée de passions et ce concept est parfois « usé avant d’avoir pris sens » (Claude Lefort). On envisage les notions de démocratie et de totalitarisme d’un point de vue philosophique, principalement au travers des travaux de Claude Lefort qui lie les deux notions et affirme qu’elles sont opposées l’une à l’autre en même temps que liées : le totalitarisme est pour lui la tentation et l’inversion des régimes démocratiques. De même Louis Dumont écrit : « l’hypothèse sera que le totalitarisme résulte de la tentative, dans une société où l’individualisme est profondément enraciné et prédominant, de le subordonner à la société comme totalité. » (Louis Dumont, Homo aequalis, genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Gallimard, 1977, p. 21, 22). Le totalitarisme est ainsi un holisme qui s’impose sur la base de l’individualisme. Par exemple, la violence génocidaire de l’État hitlérien, n’est compréhensible que dans le contexte de la modernité individualiste et démocratique qui a fait suite aux sociétés hiérarchiques, il en est le renversement pervers et maladif, sous l’influence de mouvements ultra réactionnaires. D’après Raymond Aron également (Démocratie et totalitarisme) il s’impose dans les sociétés industrielles modernes. La philosophie politique présume qu’il y a une matrice commune présente à des degrés divers dans les régimes totalitaires, dont le plus exemplaire et le plus extraordinaire est le nazisme, mais sans exclusive. Par conséquent, le totalitarisme n’est pas la tyrannie ou la monarchie, ce n’est pas n’importe quel régime arbitraire. « l’État totalitaire n’est pas un État où sévit l’arbitraire, c’est une État qui dans son principe dénie le droit, dénie le libre exercice de la pensée. » (C. Lefort, L’Invention démocratique, Fayard, 1981, p. 28). La démocratie est fille de la sortie de la religion qui, au travers de la révolution moderne, conduit à une redéfinition de la condition humaine (Marcel Gauchet). La démocratie suppose qu’il existe un pouvoir collectif appropriable par les individus, ces individus qui divergent dans leurs analyses de ce qu’est la vérité : la démocratie est un régime politique fondé sur le dissensus, le pluralisme, la liberté de conscience et d’opinion, elle est liée à l’idée de laïcité entendue comme garantie de la liberté de conscience, c'est-à-dire du pluralisme des opinions. On parle souvent de démocratie libérale, dans ce contexte l’adjectif libéral signifie que les droits de la personne (sa liberté de conscience par exemple) sont cardinaux et inaliénables. Le totalitarisme est essentiellement anti-libéral. Si bien que la démocratie n’est pas un régime ni même un état de la société (Tocqueville), mais une nouvelle manière d’être de l’Humanité. Claude Lefort affirme en particulier qu’en démocratie le pouvoir n’appartient à personne, qu’il n’y a pas de personnalité, de leader ou d’instance qui réunit, qui fédère et symbolise l’unité sociale. En ce qui concerne le totalitarisme, il s’agit de déterminer sa définition. Élie Halévy (L’Ére des tyrannies) : « gouvernement d’un pays par une secte armée et animée par une foi commune. » et Louis Dumont dans Homo aequalis : « La société pensée comme homogène par des individualités narcissiques. » Les caractéristiques d’un État totalitaire : la présence d’un parti unique, la confusion entre l’État et la société, l’unité de l’État, de la société et du Parti au travers de la figure unificatrice d’un leader (Hitler, Staline, Mussolini), le gouvernement par la peur (la Terreur). La société totalitaire est d’abord une société de masse, au départ déstructurée par le chômage Séminaire optionnel Philosophie politique. Master. Juliette Grange 2 et composée d’individus désorientés et désocialisés. L’État totalitaire est supposé “redonner du sens”, reconstituer brutalement le lien social : « La chute des murs protecteurs des classes transforma les majorités qui somnolaient à l’abri de tous les partis en une seule grande masse inorganisée et déstructurés d’individus furieux. » écrit Hannah Arendt dans Le Système totalitaire, décrivant la montée du fascisme. Il reste à préciser ce que les actuels néoconservateurs empruntent au totalitarisme. Ils s’expriment actuellement dans un cadre démocratique, mais il s’agit bien d’imposer le totalitarisme à l’intérieur de la démocratie et par les moyens de la démocratie. En toile de fond, des polémiques importantes. Le rapprochement nazisme/stalinisme/fascisme mussolinien est contesté, du fait de l’impensable et redoutable exceptionnalité du régime nazi et de la Shoah. Ian Kershaw, mais aussi Raymond Aron et beaucoup d’autres, soutiennent ce point de vue (Ian Kershaw, « Nazisme et stalinisme, limites d’une comparaison » Le Débat, mars/avril 1996). Le nazisme est un phénomène politique inclassable et impensable, exceptionnel et incomparable (au stalinisme par exemple). La notion de totalitarisme, trop générale, ne rendrait pas compte de cette spécificité. La démocratie est un phénomène de désincorporisation du pouvoir et du droit. Cette désincorporisation est un facteur de liberté : nous sommes soumis, en régime démocratique, à des lois et à des idéaux, non à des personnes. La collectivité ne s’incarne plus, l’unité de la société et son identité ne sont plus figurées par une personne (roi, leader ou président). Le pouvoir démocratique n’est plus consubstantiel à une personne : pour la première fois dans l’histoire il n’y a pas de personnification de l’autorité. Le lieu du pouvoir demeure vide et abstrait. C’est pour cette raison que Claude Lefort affirme que la démocratie s’ordonne autour d’un vide central, qu’elle est centrifuge et vit de la divergence contrôlée des opinions. La démocratie est un type de société qui « rend légitime le débat sur ce qui est légitime et ce qui ne l’est pas. » Dans ce cadre, l’État de droit garantit la possibilité d’une opposition, c’est-à-dire de la liberté d’opinion individuelle. L’État n’est pas l’organe de la société, son efficience est limitée et cette limitation est garantie par la loi, c'est-à-dire par l’État lui-même. Le droit et le pouvoir ne sont plus confondus et par surcroit « […] cette société s’avère désormais incernable, du fait qu’elle ne saurait se rapporter elle-même dans tous ses éléments, et se représenter comme un seul corps, privée qu’elle est devenue de la médiation d’une pouvoir incorporé. » (Lefort, L’invention démocratique, op. cit, p. 65). Le totalitarisme est l’unification forcée, la communauté restreinte retrouvée dans le cadre moderne des États nations. A ce titre il est un mouvement de masse post-moderne et non un traditionalisme. Le pouvoir légitime et le pouvoir arbitraire sont confondus dans le totalitarisme. Un très grand nombre de lois sont édictées, on peut parler de prolifération de lois, mais le régime viole lui-même les lois qu’il promulgue. Les caractéristiques principales du totalitarisme sont donc les suivantes : 1- monopole d’un seul parti, excluant toute autre position dans la vie sociale et politique. 2- idéologie officielle d’État à autorité absolue et de nature globalisante. 3- monopole de la gestion de l’information et de la propagande (presse, médias) ainsi que des pouvoirs de police. Police secrète terroriste. Monopole des armes et de la force. 4- présence totale de l’État dans tous les domaines y compris économiques. 5- logique révolutionnaire, le projet politique doit être réalisé jusque dans les détails et immédiatement. Tout est pris dans une idéologie officielle, y compris les gestes de la vie quotidienne et privée des personnes sont supposées porter atteinte à cette unité (intellectuels, juifs, libres-penseurs, homosexuels, dissidents, etc.). Il convient d’éradiquer ce mal qui porte atteinte à l’unité du peuple. 7- une personne incarne l’unité de l’État et de la société. La personne du leader est le symbole de l’unité. En démocratie au contraire : 1- l’État et la société ne sont pas confondus. Il y a par ailleurs séparation des pouvoirs. Le pouvoir est distribué dans différentes instances qui se contrôlent les unes les autres. Les mandats sont limités. 2- les partis sont multiples. Les partis au pouvoir alternent ou se succèdent. Oppositions et dissensions sont exposées dans la presse, les débats parlementaires, les médias. La compétition pour le pouvoir est légale, le compromis est très fréquemment utilisé pour fixer des décisions. Les projets politiques sont réalisés en partie et sur le long terme. 3- l’expression de points de vue minoritaires et l’opposition en générale sont légales et garanties par la loi. Il n’y a pas de délit d’opinion ou de blasphème. La liberté de penser est garantie dans la limite du maintien de l’ordre. Il y a un contrôle parlementaire constitutionnel des décisions politiques. La démocratie est un régime d’une grande richesse, exceptionnel et fragile en période d’instabilité.
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Évaluation : prendre en charge une ½ heure de séminaire, ou une heure en binôme. Cette présentation est celle d’un corpus ou d’une étude critique sur le thème du séminaire. Les sujets sont choisis avant le 20 octobre en accord avec le professeur. Une absence lors de l’exposé entraine une défaillance. Les exposés auront lieu au cours du mois de novembre. Les notes seront fixées en fin de semestre. Thèmes des premières séances : Séance 1 : De Maistre et Burke, les penseurs contre-révolutionnaires. Barrès et le traditionalisme Séance 2 : Les analyses de Cl. Lefort, Démocratie et totalitarisme. Séance 3 : Présentation de Charles Maurras. Les anti-Lumières selon Z. Sternhell Séance 4 : État et totalitarisme, Neumann, Béhémoth, définition du national-socialisme. Propositions de thèmes d’exposés : Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, Point Seuil et Eichmann à Jérusalem Folio Gallimard. Johan Chapoutot, La loi du sang, penser et agir en nazi, Gallimard, 2014. Primo Levi, Si c’est un homme + une œuvre au choix. Yann Kershaw, Hitler, Flammarion et Qu'est-ce que le nazisme ? Folio Gallimard. Herbert Marcuse, Homme unidimensionnel, Éditions de Minuit. David Rousset, L’Univers concentrationnaire, Pluriel, 2011. Enzo Traverso, Les nouveaux visages du fascisme, Textuel, 2017.
Le terme de « médecine narrative » a été introduit dans la réflexion médicale au cours des années 2000 par Rita Charon, à la fois médecin et chercheuse en littérature à l’Université Columbia de New York. La première exposition du concept que vise à recouvrir cette dénomination se trouve dans le livre publié par cette dernière en 2006, intitulé Narrative medicine. Rita Charon y développe l’idée selon laquelle la narration d’une expérience vécue de la maladie par les moyens qui sont ceux traditionnellement employés par la littérature peut constituer un appui décisif pour la pratique médicale contemporaine. Elle permet de restituer la dimension vécue de la maladie que la médecine scientifique a parfois tendance, comme l’avait bien noté déjà le philosophe de la médecine Georges Canguilhem, à négliger. Rita Charon ne développe pas, dans ce livre, les liens que peuvent avoir ses élaborations avec un concept généralement attribué à Paul Ricœur qui, sous le nom d’identité narrative, souligne, lui aussi, la dimension structurante de tout récit pour une existence humaine. Cependant, dans le sillage des recherches ouvertes à la suite de la publication du livre de 2006, plusieurs philosophes proposeront de faire ce rapprochement. Ils suggèreront que ce que Ricœur et, avant lui, le philosophe américain Alasdair MacIntyre, avaient tenté de thématiser sous le titre d’ « identité narrative » est ce qui dote de son efficacité la technique mise au point, sans référence directe à ces auteurs, par Rita Charon. Dans ce cours, nous reprendrons l’histoire de cette filiation impensée dont l’intérêt est au moins triple : 1) Elle soulève la question des rapports entre une pratique et ses fondements théoriques (ici la pratique s’est constituée indépendamment du fondement, identifiant ce dernier seulement après-coup) ; 2) ensuite parce qu’à travers l’idée d’identité narrative, c’est en fait à une rencontre des deux grandes traditions de pensée du vingtième siècle – la phénoménologie et la philosophie analytique – que nous avons affaire (Ricœur se rattachant à la première, MacIntyre à la seconde) ; 3) enfin parce qu’elle invite à entreprendre une généalogie du concept de pratiques narratives.
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- Charon, R., Narrative Medicine: Honoring the Stories of Illness: Oxford University Press, 2006. Tr. fr. : Médecine narrative : Rendre hommage aux histoires de maladies: Sipayat, 2015.
- Charon, R., S. DasGupta, N. Hermann, C. Irvine, E. R. Marcus, E. R. Colsn, D. Spencer, and M. Spiegel, The Principles and Practice of Narrative Medicine: New York, NY, Oxford UNivresity Press, 2016.
- Collectif, F. Goupy, C. L. Jeune, and R. Charon, La médecine narrative : Une révolution pédagogique ? Med-Line Editions, 2016.
- MacIntyre, A., After Virtue : A Study in Moral Theory: University of Notre Dame Press, 1981. Après la vertu: Paris, PUF.
- Marini, M. G., Narrative Medicine: Bridging the Gap between Evidence-Based Care and Medical Humanities: Springer, 2015.
- Lewis Mehl-Madrona, Narrative Medicine: The Use of History and Story in the Healing Process, 2007.
- Ricoeur, P.,
o Soi-même comme un autre: Seuil, Paris, 1990.
o Temps et récit, tome 1: Paris, Seuil, Paris, 1983.
o Temps et récit, tome 2: Paris, Seuil, Paris, 1984.
o Temps et récit, tome 3: Paris, Seuil, Paris, 1985.
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